URBANISME : Pour les opérations complexes faut-il des permis de construire distincts ou un permis unique ? (Conseil d’Etat, 28 décembre 2017, req. n° 406.782, Société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3 B, Publié au Rec. Lebon)

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URBANISME : Pour les opérations complexes faut-il des permis de construire distincts ou un permis unique ? (Conseil d’Etat, 28 décembre 2017, req. n° 406.782, Société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3 B, Publié au Rec. Lebon)

Jusqu’à maintenant et selon une jurisprudence bien établie, plusieurs permis de construire pouvaient être délivrés pour tenir compte à la fois de l’ampleur et de la complexité du projet immobilier et de la vocation fonctionnelle autonome de certains éléments de la construction. C’état toutefois sous  la condition que l’autorité administrative soit en mesure de porter une appréciation globale sur l’ensemble des autorisations, afin de s’assurer qu’elles garantissaient, comme un permis unique, le respect des règles et la protection des intérêts généraux.

Dans l’affaire qui a été portée devant la Haute juridiction administrative, la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B a acquis le 9 septembre 2011 une unité foncière composée d’un immeuble de bureaux, de locaux à usage de bureaux installé dans des anciennes écuries et de garages, située 7, quai Sturm à Strasbourg ; par décision du 17 janvier 2014, le maire de Strasbourg ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de cette société relative à des travaux de réhabilitation de l’immeuble de bureaux ; par arrêté du 27 mars 2014, le maire de Strasbourg a accordé à la société foncière 3B un permis de démolir et un permis de construire en vue de l’édification d’un immeuble collectif de 18 logements ; par un jugement du 6 juillet 2015, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 17 janvier 2014 ainsi que l’arrêté du 27 mars 2014 ; par un arrêt du 17 juin 2016, la Cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé contre le jugement en tant qu’il avait statué sur les conclusions dirigées contre la décision prise le 17 janvier 2014 sur la déclaration de travaux et a transmis au Conseil d’Etat les conclusions, qui présentent le caractère d’un pourvoi en cassation, formées par les sociétés d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et foncière 3B et par la Ville de Strasbourg contre ce jugement en tant qu’il avait annulé l’arrêté du 27 mars 2014 portant permis de démolir et permis de construire.

Selon le Conseil d’Etat, il résulte des dispositions des art. L. 421-1 et L. 421-6 du Code de l’urbanisme que la construction d’un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l’objet d’une seule autorisation de construire, sauf à ce que l’ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l’objet de permis distincts, sous réserve que l’autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l’ensemble des permis délivrés ; en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n’ont pas à faire l’objet d’un permis unique, mais peuvent faire l’objet d’autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d’urbanisme est appréciée par l’autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment.

Sur le terrain situé 7, quai Sturm à Strasbourg, cédé en septembre 2011 par l’Etat à la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B, étaient implantés, en front de quai, un immeuble de bureaux et, en arrière du terrain, des garages ; si un projet initial de la société prévoyait la réalisation sur ce terrain d’un immeuble unique, intégrant à la fois l’immeuble de bureaux existant et une construction nouvelle implantée à la place des garages, la société a ensuite dissocié son projet en deux opérations distinctes consistant, après division foncière, pour l’une, en la réhabilitation de l’immeuble de bureaux existant et, pour l’autre, en la construction d’un nouveau bâtiment, physiquement distinct de l’immeuble existant et destiné à accueillir des logements sociaux ;  ces deux projets de construction distincts, qui font d’ailleurs intervenir deux maîtres d’ouvrage différents, sont implantés sur deux parcelles désormais séparées et n’ont en commun que l’institution d’une servitude de cour commune, sont indépendants l’un de l’autre.

La conformité de chacun de ces deux projets distincts aux règles d’urbanisme devait être appréciée par l’autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ; par suite, en annulant le permis contesté au motif que l’administration n’avait pas été en mesure d’évaluer l’incidence réciproque des deux projets et de porter une appréciation globale sur le respect des règles d’urbanisme, le Tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit.

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