URBANISME : Les pétitionnaires du permis de construire ne pouvaient ignorer le risque de submersion (Cour administrative d’appel de Bordeaux, Chambre 1, 27 septembre 2018, RG N° 16BX00986)

URBANISME : Les pétitionnaires du permis de construire ne pouvaient ignorer le risque de submersion (Cour administrative d’appel de Bordeaux, Chambre 1, 27 septembre 2018, RG N° 16BX00986)

Le maire de la commune d’Aytré (Charente-Maritime) a délivré le 27 juillet 2006 à la société civile immobilière LP le permis de construire un hôtel de 12 chambres sis 1 route de la Plage et rue des Claires, sur un terrain situé face à la mer, séparé de l’océan par la route de la Plage et une bande de terre. La société à responsabilité limitée La Nouvelle Maison des Mouettes a exploité jusqu’en 2010 dans ces locaux et dans le bâtiment ancien voisin un fonds de commerce d’hôtel-restaurant. M. B D, dirigeant de ces deux sociétés, et son épouse ainsi que le reste de leur famille occupaient dans ces bâtiments un local d’habitation. Lesdits bâtiments ont été endommagés par la tempête « Xynthi  » qui a balayé le littoral de la Charente-Maritime durant la nuit du 27 au 28 février 2010. Le préfet de la Charente-Maritime a publié le 8 avril 2010 une cartographie incluant les biens concernés parmi l’un des secteurs du littoral de la commune d’Aytré soumis à un risque très élevé de submersion marine, présentant un danger extrême pour la vie des personnes qui ne pourraient être protégées efficacement, dénommés  » zones noires « , et ultérieurement  » zones de solidarité « . La SCI LP a vendu à l’Etat en application du dispositif d’acquisition prévu aux articles L. 561-1 et suivants du code de l’environnement, le 10 mai 2011, les murs de l’hôtel-restaurant dont elle était propriétaire pour un montant de 3 522 000 euros.

La SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP ainsi que M. et Mme D ont demandé le 10 juillet 2013 à la commune d’Aytré de les indemniser des divers chefs de préjudice résultant, selon eux, de la faute qu’aurait commise cette collectivité en leur délivrant en 2006 un permis de construire l’hôtel-restaurant. A la suite du rejet de cette demande par le maire de la commune d’Aytré le 6 septembre 2013, la SARL La Nouvelle Maison des Mouettes, la SCI LP ainsi que M. et Mme D ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune d’Aytré à les indemniser de différents chefs de préjudice. Ils ont relevé appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. 

Sur la responsabilité de la commune : 

D’une part, en vertu des dispositions de l’art. L. 121-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la SCI LP a déposé une demande de permis de construire, les plans locaux d’urbanisme déterminent notamment les conditions permettant d’assurer la prévention des risques naturels prévisibles. A cette fin, en application des dispositions de l’art.  L. 123-1, dans sa rédaction alors en vigueur, ils comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’art. L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire.

D’autre part, l’art. R. 111-2 du code de l’urbanisme dispose : « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». 

Les requérants font valoir que la responsabilité de la commune est engagée en raison du classement du terrain d’assiette du projet en zone UE dans le plan d’occupation des sols modifié le 1er octobre 1990, et du maintien de ce classement au cours des modifications opérées en 1995, 2000 et 2005 alors que le terrain avait été inondé en 1999, après le passage de la tempête Martin. Il est constant que le terrain où a pu être édifié l’hôtel des requérants a été inondé en décembre 1999 à la suite de la tempête Martin et il résulte de l’instruction que si les phénomènes observés lors de cette tempête n’étaient pas comparables à ceux constatés lors de la tempête Xynthia, le maire de la commune a été informé par les services de la préfecture de la Charente-Maritime le 23 octobre 2001 de la hauteur d’eau constatée dans le secteur de la route de la plage à la suite de la tempête Martin. Ainsi, en maintenant en zone UE où sont autorisées les « constructions à usage de commerces, de bureaux, de services et les hôtels » le secteur où se trouve le terrain sur lequel a été érigé l’hôtel-restaurant, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. De même, en ne prévoyant pas de prescriptions destinées à prévenir des conséquences d’un phénomène de submersion, le maire de la commune d’Aytré a également commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en délivrant un permis de construire à la SCI LP le 27 juillet 2006. 

Si les requérants soutiennent également qu’en méconnaissance des dispositions de l’article L. 563-3 du code de l’environnement, le maire de la commune n’a pas procédé à l’inventaire des repères de crues et que cette carence constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, ils ne démontrent pas quelle incidence ce manquement aurait eu en l’espèce sur les dommages qu’ils ont subis ni en quoi l’établissement de repères de crues aurait permis d’éviter ces dommages. 

La commune fait valoir que les requérants ont commis une faute de nature à l’exonérer de sa responsabilité en ayant sollicité un permis de construire alors qu’ils connaissaient les risques auxquels était exposée la parcelle. Il résulte de l’instruction que le terrain a été acquis par la société LP le 3 février 2000 un mois après la survenance de la tempête Martin qui a atteint le littoral charentais le 27 décembre 1999 et dont les requérants avaient subi les effets dès lors qu’ils habitaient déjà sur place. Ainsi, les requérants ne pouvaient ignorer que le terrain en cause était exposé à un risque d’inondation et il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives en laissant à la charge de la commune d’Aytré la moitié des préjudices indemnisables.

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