Ces parcelles sont bordées à l’ouest et au nord par un ensemble boisé composé des bois Béty et Chédiot.

Le 2 mai 2013, monsieur H Y a obtenu l’autorisation de boiser les parcelles lui appartenant, cadastrées section n° 241, 243 et 245, contiguës aux parcelles de madame Z et monsieur A, de la Direction du développement rural et de l’agriculture.

Madame Z et monsieur A ont sollicité le retrait de cette autorisation devant le tribunal administratif de Dijon qui les a déboutés par jugement du 16 octobre 2014, confirmé par arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon rendu le 31 janvier 2017.

Monsieur Y est décédé le […] et ses fils sont devenus nu propriétaires indivis des parcelles de leur père et sa veuve usufruitière.

Estimant que ce boisement aura des conséquences désastreuses pour leur propriété, à savoir, d’une part, l’enfermement total de leur propriété et la privation de toute vue vers Souvigne au sud et au sud-est, entraînant une dévalorisation de leur maison, et, d’autre part, l’accroissement de l’humidité, une baisse de température et la perte totale de tout ensoleillement, madame Z et monsieur A ont mis en demeure les consorts Y de mettre fin au boisement entrepris et de procéder à l’arrachage des arbres plantés, par courrier du 12 décembre 2017.

Par acte d’huissier du 30 avril 2018, madame Z et Monsieur A ont fait assigner les consorts Y devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Mâcon, au visa de l’art. 809, alinéa 1er, du code de procédure civile et de l’article 544 du Code civil, afin de voir constater l’existence d’un trouble anormal de voisinage, constater l’existence d’un dommage imminent, en conséquence, ordonner à X-I Y et à messieurs C et D Y la cessation immédiate de toute opération de plantation sur les parcelles cadastrées n° 241, 243 et 245, sous astreinte de 5. 000 € par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir, ordonner l’arrachage des plantations d’ores et déjà réalisées sur les parcelles cadastrées n° 241, 243 et 245, sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, en tout état de cause, condamner solidairement madame X-I Y et messieurs C et D Y à leur verser la somme de 5. 000 € au titre de l’article 700 CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Après avoir rejeté les fins de non recevoir tirées du défaut de qualité de madame Y à agir, en qualité d’usufruitière, et de monsieur Y à défendre seul, en sa qualité de nu propriétaire, le juge des référés a retenu que le trouble de voisinage excédant les inconvénients normaux de voisinage pouvait constituer un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite qu’il appartenait au juge des référés de faire cesser en application de l’article 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile.

Appel a été relevé.

Les appelants reprochent au premier juge d’avoir raisonné sur le seul sapin Douglas alors qu’il n’était pas contesté qu’il s’agissait bien d’arbres, et non d’arbustes, et qu’il importait peu de connaître la nature exacte des essences plantées .

Ils font valoir qu’il n’est pas contesté que les parcelles qui jouxtent leur maison sont déjà plantées de résineux, les trois parcelles des consorts Y ayant été plantées de rangées d’arbres en largeur jusqu’en bas, à une quinzaine de mètres environ de la limite séparative des propriétés, et que les intimés n’ont pas davantage contesté la réalité et la nature des plantations constituées de 1.434 arbres sur la parcelle 241 qui sont majoritairement des sapins Douglas, ce qui caractérise un trouble anormal de voisinage au regard des nuisances générées par ces arbres dont la présence entraîne l’enclavement de la maison voisine, un accroissement de l’humidité, une baisse des températures, une perte d’ensoleillement, la disparition de la richesse naturelle, la dévalorisation de leur maison et la perte de la vue dont bénéficiait la propriété .

Ils prétendent que l’autorisation de boisement accordée par l’autorité administrative n’est pas de nature à exonérer les consorts Y de leur responsabilité pour trouble anormal de voisinage, l’autorisation étant délivrée sous réserve du droit des tiers.

Ils ajoutent que, même si le dommage n’est pas immédiat, à l’exception de celui tenant à la dévalorisation immédiate de la propriété, il n’est pas qu’éventuel puisque 1.434 arbres ont été plantés et qu’ils produiront les effets néfastes décrits, et qu’il s’agit donc d’un dommage imminent au sens de l’art. 809 alinéa 1er .

D’autre part, les appelants soutiennent que les plantations réalisées ne correspondent à aucun projet économique sérieux et qu’elles visent essentiellement à leur nuire, cet abus du droit de propriété constituant un trouble manifestement illicite ;

Les consorts Y objectent que le juge des référés, juge de l’évidence, n’est pas compétent pour constater l’anormalité du trouble de voisinage dont l’appréciation relève des juges du fond, considérant que les troubles de voisinage invoqués ne constituent pas, avec l’évidence requise, un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

Ils ajoutent que des plantations seulement envisagées comme le mentionnent les appelants ne peuvent causer un trouble anormal de voisinage et rappellent qu’il s’agit de la mise en place de jeunes plants, pour lesquels une autorisation a été accordée, et que, comme l’a indiqué monsieur E, l’impact du boisement sera minimum .

Ils soutiennent, d’autre part, qu’il n’y a ni dommage imminent ni trouble manifestement illicite, le dommage imminent supposant un préjudice que le plaignant va subir à bref délai et qui ne peut être que purement éventuel et l’exercice abusif d’un droit n’étant pas caractérisé dès lors que la plantation n’est pas motivée par une intention de nuire, ce qui exclut le trouble manifestement illicite .

L’art. 809 alinéa 1er du Code de procédure civile permet au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite .

Il n’entre ainsi dans les attributions du juge des référés de faire cesser un trouble anormal de voisinage qu’à la condition que ce trouble caractérise un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite .

Attendu, qu’en l’espèce, aucune des pièces produites n’établit tant le caractère certain de la perte d’ensoleillement, de vue, du risque d’humidité et de baisse des températures, que leur nature exceptionnellement attentatoire aux conséquences normales du voisinage, et ce alors qu’il résulte de la pièce n° 12 des intimés que, sur les 1.210 arbres plantés sur la parcelle 241,55 % des plants de Douglas sont vivants, aucun des plants de chêne rouge n’est vivant et 90 % des plants de peuplier sont vivants, ce qui représente un total de 622 arbres dont la hauteur estimée à maturité n’est par ailleurs pas précisée .

Les appelants demandent en réalité d’apprécier leurs craintes de l’existence d’un trouble anormal du voisinage qui pourrait éventuellement se concrétiser une fois que les arbres auront atteint leur hauteur maximale.

Par ailleurs, le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer .

En l’espèce, il ne ressort pas suffisamment des éléments du dossier que la survenance et la réalité des nuisances dénoncées par les appelants est certaine, les risques d’enclavement de leur propriété, d’humidité et de baisse des températures, de perte d’ensoleillement et de vue et la disparition de la richesse naturelle étant hypothétiques et non certains, au vu de la nature et de la consistance des plantations actuelles .

D’autre part, le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation provenant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit .

Les plantations réalisées par les consorts Y ont été autorisées le 2 mai 2013 par la Direction du développement rural et de l’agriculture de Saône et Loire, sous réserve du respect des dispositions de l’arrêté préfectoral du 19 février 1977, à savoir le respect d’une distance minimale de 10 mètres entre la plantation et le fonds voisin pour les peupliers, acacias et résineux et d’une distance minimale de 7 mètres pour les autres arbres.

Les témoins des appelants confirment que les arbres litigieux ont été plantés à une distance de 15 à 20 mètres du fonds voisin de sorte que la violation évidente de la règle de droit n’est pas caractérisée .

Par ailleurs, l’intention de nuire des consorts Y ne résulte d’aucun des éléments du dossier .

Les conditions de l’art. 809 alinéa 1er n’étant pas réunies, il n’y a pas lieu à référé et l’ordonnance entreprise mérite d’être infirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de Madame F Z et Monsieur J W. A.

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