Sous-traitance : à nouveau la semonce de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 février 2015, n° 14-10604)

Responsabilité du maître d'ouvrage

Sous-traitance : à nouveau la semonce de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 février 2015, n° 14-10604)

La cour d’appel qui constate que le maître d’ouvrage été informé par l’entrepreneur de ce qu’il sous-traiterait les travaux et a autorisé cette sous-traitance et l’a agréée et relève exactement qu’aucune délégation de paiement n’ayant été mise en place, le maître d’ouvrage devait exiger de l’entrepreneur qu’il justifie avoir fourni à ce sous-traitant la caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues en application du sous-traité et qu’en s’abstenant de mettre en demeure l’entrepreneur de fournir cette caution, le maître d’ouvrage n’a pas satisfait à ses obligations et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, en déduit, à bon droit, que le sous-traitant est fondé à lui demander le paiement de dommages-intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés.

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

« (…) Joint les pourvois n° W 14-10. 632 et R 14-10. 604 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2013), que, devenue propriétaire d’anciennes cliniques, la société Foncière Saint-Charles a entrepris de transformer les locaux en appartements et locaux commerciaux ; que les acquéreurs de lots se sont constitués en l’Association foncière urbaine libre Espace Saint-Charles (l’AFUL), laquelle se substituant à la société Foncière Saint-Charles comme maître d’ouvrage pour les contrats et marchés, a confié les travaux de réhabilitation à la société Montpelliéraine de rénovation (la société MDR), qui a sous-traité l’intégralité des travaux à la société SPIE Tondella, aux droits de laquelle se trouve la société SPIE Batignolles Sud-Est (la société SPIE) ; que la société MDR a souscrit deux contrats de cautionnement auprès de la Caisse d’épargne ; qu’une expertise a été confiée à M. X…, qui s’est adjoint les services d’un sapiteur pour chiffrer les travaux exécutés par la société SPIE ; que la société SPIE a assigné la société MDR en annulation du contrat de sous-traitance et paiement de sommes, puis a assigné l’AFUL et la Caisse d’épargne en paiement de sommes ; que la Caisse d’épargne a appelé en garantie les assureurs des intervenants à l’acte de construire ; que les affaires ont été jointes ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° W 14-10. 632 de l’AFUL :

Attendu que l’AFUL fait grief à l’arrêt de dire fondée la demande de la société SPIE en paiement des travaux réalisés calculés selon la méthode issue des prix pratiqués, de fixer le montant du juste coût des travaux à la somme de 1 741 793, 77 euros et de dire que l’AFUL sera tenue in solidum avec la société MDR au paiement de cette somme, alors, selon le moyen :

1°/ que l’entrepreneur principal, tenu, à peine de nullité du contrat de sous-traitance, de garantir le paiement de toutes les sommes dues au sous-traitant par l’obtention à son profit d’une caution personnelle et solidaire d’un établissement qualifié, peut valablement fournir cette garantie, spontanément ou après mise en demeure du maître de l’ouvrage, tant que le sous-traitant n’a pas manifesté sa volonté de se prévaloir de la sanction prévue à l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la société SPIE Tondella a attendu le 9 septembre 2004 pour exciper de la nullité du sous-traité pour violation de l’article 14 de la loi de 1975 en renvoyant à la caution les deux garanties qu’elle avait précédemment reçues les 4 avril et 12 juillet 2004 ; qu’en imputant à faute à l’AFUL Saint-Charles de ne pas avoir mis l’entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi, tout en constatant que le sous-traitant n’avait excipé de la nullité du contrat de sous-traitance que plusieurs mois après que la garantie lui ait été fournie, ce dont il résultait que, la régularisation du sous-traité étant intervenue en temps utile, l’obligation du maître de l’ouvrage était devenue sans objet, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2°/ que le maître de l’ouvrage qui n’a pas consenti de délégation de paiement au profit du sous-traitant, n’est tenu d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie lui avoir fourni une caution personnelle et solidaire de la part d’un établissement qualifié qu’après avoir, d’une part, accepté le sous-traitant et, d’autre part, agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance ; qu’en imputant à faute à l’AFUL Saint-Charles de ne pas avoir mis l’entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi alors qu’aucune délégation de paiement n’avait été mise en place et qu’elle avait su que le sous-traitant intervenait sur le chantier pour l’avoir personnellement accepté et agréé, sans autrement caractériser que le maître de l’ouvrage avait par ailleurs agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

3°/ que lorsque les conditions de l’opposabilité du contrat de sous-traitance ne sont pas encore remplies et que le maître de l’ouvrage qui a connaissance de l’existence du sous-traitant, s’abstient de mettre en demeure l’entrepreneur principal de régulariser cette situation, le sous-traitant ne peut réclamer au maître de l’ouvrage plus que ce qui lui aurait été dû par l’entrepreneur principal ; que dans sa mise en demeure du 27 mai 2004, la société SPIE Tondella réclamait à l’AFUL Saint-Charles, au titre de l’action directe en paiement du sous-traitant, un solde de marché de 938 887, 79 euros ; qu’en décidant que l’AFUL Saint-Charles sera tenue du juste coût des travaux soit la somme de 1 741 793, 77 euros et non pas des seules sommes qui auraient été dues à la société SPIE si elle avait pu bénéficier de l’action directe, la cour d’appel a violé les articles 1382 du code civil et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’AFUL avait été informée par la société MDR de ce qu’elle sous-traiterait les travaux à la société SPIE et qu’elle avait autorisé cette sous-traitance et l’avait agréée et exactement relevé qu’aucune délégation de paiement n’ayant été mise en place, l’AFUL devait exiger de la société MDR qu’elle justifie avoir fourni à ce sous-traitant la caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues en application du sous-traité et qu’en s’abstenant de mettre en demeure la société MDR de fournir cette caution, l’AFUL n’avait pas satisfait à ses obligations et avait ainsi commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, la cour d’appel, qui en a déduit, à bon droit, que la société SPIE était fondée à lui demander le paiement de dommages-intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés, a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société MDR, ci-après annexé :

Attendu qu’ayant relevé que l’expert X…, ingénieur spécialisé en structures, avait recouru aux services de M. Y…, économiste de la construction, pour chiffrer le juste coût des travaux exécutés par la société SPIE, après avoir recueilli l’accord de toutes les parties, qu’il avait gardé la maîtrise des opérations d’expertise en reprenant les conclusions de son sapiteur et en annexant à son rapport celui de M. Y…, après que ce dernier ait diffusé un pré-rapport et répondu aux dires, notamment celui de la société MDR du 30 novembre 2007, qui relevait de sa compétence, que M. Y… avait examiné les critiques faites à son pré-rapport et y avait répondu point par point en pages 8 à 16 de son rapport, que la société MDR se limitait à reprendre les assertions de son dire du 17 décembre 2007 en affirmant que l’expertise n’y avait pas répondu, alors que réponse y avait été apportée sur huit pages du rapport de M. Y…, auquel M. X… faisait expressément référence dans son rapport définitif pour le reprendre à son compte et que la société MDR, n’établissant aucune violation du principe de la contradiction par M. X… ou M. Y… quant à l’estimation de ses travaux, serait déboutée de sa demande en nullité du rapport en ce qu’il détermine l’estimation du coût de ses travaux au chapitre 4, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° R 14-10. 604 de la société SPIE :

Attendu que la société SPIE fait grief à l’arrêt de prononcer la mise hors de cause de la Caisse d’épargne, alors, selon le moyen, que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses écritures d’appel, la société SPIE Batignolles Sud-Est faisait valoir que, contrairement aux allégations de la Caisse d’épargne du Languedoc-Roussillon, elle n’avait pas rejeté l’acte de cautionnement qui était toujours en sa possession ; qu’en ne répondant pas à ce moyen opérant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société SPIE avait refusé les actes de cautionnement, la cour d’appel a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que la société SPIE avait perdu tout droit d’exiger le paiement des sommes dues auprès de la Caisse d’épargne ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne l’AFUL, la société SPIE Batignolles Sud-Est et la société la société MDR aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quinze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° R 14-10. 604 par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société SPIE Batignolles Sud-Est,

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR prononcé la mise hors de cause de la CAISSE D’EPARGNE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON ;

AUX MOTIFS QUE la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST demande le bénéfice du cautionnement donné par la CAISSE D’EPARGNE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON, ce à quoi s’oppose cette dernière en raison de la nullité du sous-traité et des cautionnements ; que la CAISSE D’EPARGNE s’est portée caution de la Société MDR pour toutes les sommes dues au sous-traitant par des actes du 7 avril 2004 et 12 juillet 2004 ; que ce cautionnement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 14 de la loi du 31 juillet 1975 en ce qu’il n’est pas préalable à la signature du sous-traité du 2 octobre 2003, ce qui a entraîné la nullité du sous-traité à la demande de la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST, sous-traitante qui, seule, peut se prévaloir de cette nullité en application de dispositions d’ordre public de protection ; que, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2004, la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST a refusé les actes de cautionnement au motif qu’ils n’étaient pas conformes aux dispositions de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et a, par le même pli, retourné à la CAISSE D’EPARGNE les originaux des actes des 7 avril et 12 juillet 2004 ; que, conformément à l’article 2288 du Code civil, bien qu’il soit accessoire à l’obligation du débiteur envers le créancier, le cautionnement est une convention conclue entre la caution et le créancier à laquelle le débiteur n’est pas partie, et pour laquelle la caution n’est engagée que par l’acceptation du créancier ; que le cautionnement est une convention unilatérale par laquelle la caution s’engage envers le créancier à satisfaire à l’obligation du débiteur s’il n’y satisfait pas lui-même ; qu’il s’agit d’une sûreté personnelle accessoire destinée à garantir le créancier du paiement de sa créance née de l’obligation principale ; qu’en l’absence ou en cas de refus du créancier de bénéficier d’une telle sûreté, le cautionnement n’a pas de raison autonome d’exister ; que le refus des cautionnements par la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST, créancière du paiement de ses travaux par la Société MDR, exprimé très clairement dans la lettre du 9 septembre 2004 avec retour des originaux des actes de cautionnement, fait perdre tout effet aux engagements des 7 avril et 12 juillet 2004 de la CAISSE D’EPARGNE ; que, dès lors, la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST, en refusant la caution de la CAISSE D’EPARGNE, a perdu tout droit d’exiger le paiement des sommes dues par la Société MDR auprès de la CAISSE D’EPARGNE, puisque le contrat de cautionnement ne s’est jamais formé ; que la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST sera donc déboutée de ses demandes fondées sur les cautionnements envers la CAISSE D’EPARGNE ; que la CAISSE D’EPARGNE ne peut voir sa responsabilité délictuelle engagée pour avoir omis de vérifier que sa garantie était émise sur la base d’un contrat valide ou avoir délivré une garantie dépourvue d’objet ou pour avoir laissé croire à l’efficacité de son engagement de garantie, comme le prétend à tort la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST, puisque le cautionnement est inexistant, par l’attitude de la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST, qui a refusé les actes de cautionnement et est donc à l’origine de l’absence de caution de la Société MDR (arrêt, p. 25 et 26) ;

ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses écritures d’appel, la Société SPIE BATIGNOLLES SUD EST faisait valoir que, contrairement aux allégations de la CAISSE D’EPARGNE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON, elle n’avait pas rejeté l’acte de cautionnement qui était toujours en sa possession ; qu’en ne répondant pas à ce moyen opérant, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi principal n° W 14-10. 632 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour l’Association foncière urbaine libre (AFUL) Saint-Charles,

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit fondée la demande de la société SPIE en paiement des travaux réalisés calculés selon la méthode issue des prix pratiqués et fixé le montant du juste coût des travaux à la somme de 1. 741. 793, 77 € HT avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2005 et d’AVOIR dit que l’AFUL Saint Charles sera tenue in solidum avec la société Montpelliéraine de Rénovation au paiement de cette somme en principal et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la nullité du sous-traité est donc acquise et cette annulation emportant sa disparition rétroactive, ce contrat ne peut produire effet.

En conséquence de cette nullité rétroactive du sous-traité qui a été en partie exécuté, la société Spie est en droit d’obtenir le paiement des travaux non restituables qu’elle a exécutés, estimés à leur juste coût, sans que soit prise en compte la valeur de l’ouvrage réalisé, et sans aucune référence aux stipulations du contrat annulé et aux avenants annulés dans leur globalité, comme le soutient à tort la société MDR. L’expertise X… en son chapitre 4 non annulé reprenant l’analyse du sapiteur, M. Y…, a estimé le juste coût des travaux exécutés par Spie selon différentes méthodes : prix unitaire sur la base de la DPGF, la méthode des prix pratiqués à la même époque, la série de prix BATIPRIX et la méthode des déboursés. Il convient de retenir, selon les préconisations de l’expert judiciaire, l’estimation des travaux exécutés selon la méthode issue des prix pratiqués à la même époque (décembre 2004) car elle est révélatrice du prix le plus près de la vérité économique et constitue donc le « juste coût ». Les travaux ont donc été réalisés pour une somme de 4. 764. 010, 38 euros HT. La société MDR a payé les travaux à hauteur de 3. 056. 027, 19 euros HT. Il reste donc dû la somme de 1. 741. 793, 77 euros ;

AUX MOTIFS QUE la Caisse d’Epargne s’est portée caution de la société Montpelliéraine de Rénovation (MDR) pour toutes les sommes dues au sous-traitant par actes du 7 avril 2004 et 12 juillet 2004 ; que ce cautionnement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 14 de la loi du 31 juillet 1975 en ce qu’il n’est pas préalable à la signature du sous-traité du 2 octobre 2003, ce qui a entraîné la nullité du sous-traité à la demande de la société SPIE, sous-traitante qui, seule, peut se prévaloir de cette nullité en application de dispositions d’ordre public de protection ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 septembre 2004, la société SPIE a refusé les actes de cautionnement, au motif qu’il s’avèrent non conformes aux dispositions de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et a, par le même pli, retourné à la caisse d’épargne les originaux des actes des 7 avril 2004 et 12 juillet 2004 ;

ET AUX MOTIFS QUE l’article 14-1 introduit dans la loi sur la sous-traitance par la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986, impose au maître d’ouvrage d’exiger de l’entrepreneur principal, en présence d’un sous-traitant accepté et agréé ne bénéficiant pas d’une délégation de paiement, qu’il justifie avoir fourni une caution, sous peine de voir sa responsabilité délictuelle engagée ; que cette obligation légale à la charge du maître d’ouvrage a pour but d’assurer le respect de la loi sur la sous-traitance, afin de garantir une plus grande protection au sous-traitant, notamment contre le risque de non-paiement ; que la nullité du sous-traité ne peut priver d’effet les dispositions de l’article 14-1 qui édicte une responsabilité délictuelle du maître d’ouvrage pour non-respect de ses obligations légales ; que la société SPIE bénéficie ainsi d’une action en responsabilité délictuelle contre le maître d’ouvrage qu’elle tient de l’article 14-1 et non pas du contrat de sous-traitance annulé ; que l’AFUL a été informée par la société MDR de ce qu’elle sous-traitera l’ensemble des travaux à la société SPIE lors de l’assemblée générale du 26 juin 2003 et elle a autorisé cette sous-traitance et l’a agréée ; que dès lors que l’AFUL a su que la société SPIE intervenait sur le chantier alors qu’aucune délégation de paiement n’avait été mise en place, elle devait exiger de la société MDR qu’elle justifie avoir fourni à ce sous-traitant la caution garantissant le paiement de toute les sommes qu’elle lui devrait en application du sous-traité ; qu’en s’abstenant de mettre en demeure la société MDR de fournir la caution, l’AFUL n’a pas satisfait à l’obligation légale de l’article 14-1 qui lui incombe, et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard du sous-traitant et s’oblige à réparer le préjudice en résultant pour la société SPIE ; que la faute de l’AFUL a causé à la société SPIE un préjudice direct en la privant de l’exercice de l’action directe en raison de la nullité du sous-traité ; que le fait que la société SPIE ait refusé les cautionnements fournis tardivement par la Caisse d’Epargne et ait demandé la nullité du sous-traité est sans incidence sur la faute délictuelle de l’AFUL, qui n’a pas rempli les obligations de l’article 14-1, car l’action en responsabilité délictuelle introduite par le sous-traitant contre l’AFUL fondée sur ledit article est recevable même lorsque le sous-traité le liant à l’entrepreneur principal est frappé de nullité ; que la société SPIE est donc fondée à demander le paiement, in solidum avec la société MDR, de dommages et intérêts équivalents au juste coût des travaux exécutés ;

1) ALORS QUE l’entrepreneur principal, tenu, à peine de nullité du contrat de sous-traitance, de garantir le paiement de toutes les sommes dues au sous-traitant par l’obtention à son profit d’une caution personnelle et solidaire d’un établissement qualifié, peut valablement fournir cette garantie, spontanément ou après mise en demeure du maître de l’ouvrage, tant que le sous-traitant n’a pas manifesté sa volonté de se prévaloir de la sanction prévue à l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la société SPIE Tondella a attendu le 9 septembre 2004 pour exciper de la nullité du sous-traité pour violation de l’article 14 de la loi de 1975 en renvoyant à la caution les deux garanties qu’elle avait précédemment reçues les 4 avril et 12 juillet 2004 ; qu’en imputant à faute à l’AFUL Saint Charles de ne pas avoir mis l’entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi, tout en constatant que le sous-traitant n’avait excipé de la nullité du contrat de sous-traitance que plusieurs mois après que la garantie lui ait été fournie, ce dont il résultait que, la régularisation du sous-traité étant intervenue en temps utile, l’obligation du maître de l’ouvrage était devenue sans objet, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 14 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le maître de l’ouvrage qui n’a pas consenti de délégation de paiement au profit du sous-traitant, n’est tenu d’exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie lui avoir fourni une caution personnelle et solidaire de la part d’un établissement qualifié qu’après avoir, d’une part, accepté le sous-traitant et, d’autre part, agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance ; qu’en imputant à faute à l’AFUL Saint Charles de ne pas avoir mis l’entrepreneur principal en demeure de fournir la caution requise par la loi alors qu’aucune délégation de paiement n’avait été mise en place et qu’elle avait su que le sous-traitant intervenait sur le chantier pour l’avoir personnellement accepté et agréé, sans autrement caractériser que le maître de l’ouvrage avait par ailleurs agréé les conditions de paiement stipulées au contrat de sous-traitance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsque les conditions de l’opposabilité du contrat de sous-traitance ne sont pas encore remplies et que le maître de l’ouvrage qui a connaissance de l’existence du sous-traitant, s’abstient de mettre en demeure l’entrepreneur principal de régulariser cette situation, le sous-traitant ne peut réclamer au maître de l’ouvrage plus que ce qui lui aurait été dû par l’entrepreneur principal ; que dans sa mise en demeure du 27 mai 2004, la société SPIE Tondella réclamait à l’AFUL Saint-Charles, au titre de l’action directe en paiement du sous-traitant, un solde de marché de 938. 887, 79 euros ; qu’en décidant que l’AFUL Saint-Charles sera tenue du juste coût des travaux soit la somme de 1. 741. 793, 77 € et non pas des seules sommes qui auraient été dues à la société SPIE si elle avait pu bénéficier de l’action directe, la cour d’appel a violé les articles 1382 du code civil et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.

Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Montpelliéraine de rénovation,

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué DE N’AVOIR annulé le rapport d’expertise de Monsieur X… du 23 avril 2008 qu’en ses chapitres 3, 5, 6 et 7, D’AVOIR ainsi rejeté la demande de la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION tendant à voir annuler ce rapport en son entier, notamment son chapitre 4 comportant évaluation des travaux réalisés par la société SPIE BATIGNOLLES SUD-EST, D’AVOIR, au vu de ce rapport, dit fondée la demande de la société SPIE BATIGNOLLES SUD-EST en paiement des travaux réalisés calculés selon la méthode issue des prix pratiqués et fixé le montant du juste coût des travaux à la somme de 1. 741. 793, 77 € HT avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2005 et D’AVOIR dit que la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION serait tenue au paiement de cette somme en principal et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de nullité du rapport d’expertise la société MDR oppose en défense aux moyens de la société SPIE BATIGNOLLES la nullité du rapport d’expertise de Monsieur X… en s’appuyant sur la critique qu’en ont fait les experts Z… et B… qu’elle a mandatés non contradictoirement ; que Monsieur X…, l’expert judiciaire, indique en page 7 de son rapport avoir organisé des réunions sur les lieux à la maison du barreau de Montpellier au siège de la société SPIE, avoir fait appel à un sapiteur, Monsieur Y…, économiste de la construction, avoir rédigé 27 notes dont 2 notes de synthèse, avoir diffusé un pré-rapport le 29 novembre 2007, avoir reçu les dires des parties en déclarant y avoir apporté des réponses avant de déposer son rapport définitif le 23 avril 2008 ; que cependant l’expert a rédigé un rapport de 45 pages outre les annexes, dont les 14 premières pages sont une liste des parties et de leurs représentants, une reprise des missions données par les différentes ordonnances de référé, le déroulement des opérations d’expertise et la liste des pièces et dires remis par les parties ; que le rapport comprend donc 31 pages d’analyse, ce qui est très bref, compte tenu des missions confiées par les ordonnances de référé, le nombre d’intervenants à la construction et la complexité des relations entre elles, des désordres, des défaillance de chaque intervenant à la construction et des divers préjudices allégués ; que conformément aux dispositions de l’article 276 du code de procédure civile et du décret du 28 décembre 2005, l’expert judiciaire n’est tenu de répondre qu’aux observations présentées dans le dire récapitulatif de chacune des parties, les réclamations antérieures qui se ne seraient pas reprises sont abandonnées ; qu’en conséquence, Monsieur X… ne devait donc répondre qu’aux observations reprises dans le dernier dire de la société MDR du 18 décembre 2007 de 8 pages ; que dans ses dires des 30 novembre 2007 et 17 décembre 2007 de 8 pages, la société MDR a indiqué ne s’opposer ni au choix du sapiteur, ni au chiffrage des travaux réalisés par la société SPIE selon la méthode dite « des prix pratiqués à la même époque », ni aux prix unitaires tels que retenus par le sapiteur, mais elle critique les quantités retenues par le sapiteur compte tenu de l’avancement des travaux lors de l’arrêt du chantier et de la vérification qui en a été faite le 30 mai 2005 et elle joint à l’appui de sa critique l’analyse faite par la société LEI et un reportage vidéo sous contrôle d’huissier ; qu’elle conteste ainsi un montant de 1. 875. 583, 55 € hors taxes sur le montant total des travaux retenus par le sapiteur de 4. 770. 184, 60 € hors taxes ; que l’expert X… n’a pas répondu directement aux dires de la société MDR ainsi qu’à ceux de Monsieur A… et de la SMABTP quant aux quantitatif des travaux, en renvoyant à la réponse figurant dans le rapport de son sapiteur sur la base des constats des travaux qu’il a réalisés lors de ses accédit de 2005 et de ses propres reportages photographiques réalisés en mai 2005 ; que l’expert X…, ingénieur spécialisé en structures a recouru aux services de Monsieur Y…, économiste de la construction et expert de la Cour de Cassation pour chiffrer le juste coût des travaux exécutés par la société SPIE, et cela après avoir recueilli l’accord de toutes les parties ; que conformément à l’article 278-1 du Code civil, l’expert X… avait la possibilité de se faire assister dans sa mission par la personne de son choix, dans une autre spécialité que la sienne pour une partie de sa mission qui ne relevait pas de son domaine de compétence ; que Monsieur X… a gardé la maîtrise des opérations d’expertise en reprenant les conclusions de son sapiteur et en annexant à son rapport celui de Monsieur Y…, après que ce dernier ait diffusé un pré-rapport et répondu aux dires, notamment celui de la société MDR du 30 novembre 2007 qui relevait de la compétence de Monsieur Y… ; que Monsieur Y…, sapiteur de Monsieur X…, examinait les critiques faites pour le compte de MDR par la société LEI à son pré-rapport communiqué aux parties le 24 octobre 2007 et y a répondu point par point en pages 8 à 16 de son rapport du 31 mars 2008 ; que la société MDR se limite à reprendre les assertions de son dire du 17 décembre 2007 en affirmant que l’expertise n’y a pas répondu alors que réponse y a été apportée sur 8 pages de rapport de Monsieur Y…, auquel Monsieur X… fait expressément référence dans son rapport définitif (page 36) pour le reprendre à son compte ; · que la société MDR n’établit donc aucune violation du principe de la contradiction par Monsieur X… ou Monsieur Y… quant à l’estimation de ses travaux ; qu’elle sera donc déboutée de sa demande de nullité du rapport en ce qui détermine l’estimation du coût de ses travaux au chapitre 4 ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION fait valoir que le pré rapport déposé le 29 novembre 2007 par Monsieur X… renvoie sans aucune analyse au pré-rapport établi le 24 octobre 2007 par Monsieur Philippe Y…, que l’expert judiciaire a complètement abandonné une partie de sa mission à son sapiteur, que l’expert doit toujours veiller à conserver la maîtrise de ses investigations et de ses missions, qu’il peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien mais dans une autre spécialité que la sienne ; que la société SPIE a répondu que le point de vue de la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION était à la fois tardif et isolé, que l’expert judiciaire s’était fait assister avec l’accord de toutes les parties, par Monsieur Y…, pour la partie chiffrage, que cette manière de procéder était coriforme aux dispositions du code de procédure civile ; qu’il est observé que Monsieur X… a été désigné pour ses compétences d’ingénieur spécialisé en structures alors que Monsieur Y… est un économiste de la construction également agréé par la Cour de cassation, que l’un et l’autre sont des experts reconnus dans des domaines bien distincts ; qu’il ne peut donc être soutenu que Monsieur X… ait entièrement délégué sa mission d’expertise qui n’était pas limitée à un chiffrage des travaux réalisés par la société SPIE ; qu’en conformité stricte avec les dispositions de l’article 278-1 du Code de procédure civile, Monsieur X… a fait appel à un autre technicien dans un domaine ne relevant pas de ses compétences, ce qui est prévu et autorisé par le Code de procédure civile ; que Monsieur Y… a présenté un pré-rapport te 24 octobre 2007 qui a suscité des dires auxquels il a répondu dans un rapport du 31 mars 2008 avalisé par l’expert judiciaire qui l’a joint à son propre rapport déposé le 23 avril 2008 ; que le second moyen de nullité opposé par la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION doit être écarté ; que sur la violation du respect du contradictoire, la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION reproche à l’expert judiciaire d’avoir fart état d’évaluations chiffrées dans son rapport définitif qui n’auraient pas été soumises à l’analyse contradictoire des parties ; que cet argument ne peut résister à l’examen des pièces puisque toutes les évaluations chiffrées des parties ont été communiquées au sapiteur, économiste de la construction qui a longuement répondu, dans son rapport du 3Jmars2008, aux dires qui lui ont été transmis à partir de la diffusion de son pré-rapport du 24 octobre 2007 ; que le dire auquel se réfère la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION est un dire du 30 novembre 2007 qui a reçu une réponse argumentée de la part du sapiteur qui est intervenu dans son domaine de compétence ; qu’il est fait grief à l’expert X… de n’avoir formulé aucune évaluation chiffrée dans son pré-rapport du 29 novembre 2007 ; que toutefois l’évaluation des préjudices subis par les parties au litige figure bien en page 39 de ce pré-rapport et l’expert judiciaire dans son rapport définitif se réfère au rapport de son sapiteur qui a parfaitement répondu aux dires qui relevaient de sa compétence, que ce troisième motif de nullité pour défaut de contradictoire sera donc rejeté ; ET AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE l’expertise X… en son chapitre 4 non annulé reprenant l’analyse du sapiteur Monsieur Y… a estimé le juste coût des travaux exécutés par SPIE selon différentes méthodes : prix unitaire sur la base de la DGPF, la méthode des prix pratiqués à la même époque, la série de prix BATIPRIX et la méthode des déboursés ; qu’il convient de retenir, selon les préconisations de l’expert-judiciaire l’estimation des travaux exécutés selon la méthode issue des prix pratiqués à la même époque (décembre 2004) car elle est révélatrice du prix le plus près de la vérité économique et constitue donc le  » juste coût  » ; que les travaux ont donc été réalisés pour une somme de 4. 764. 010, 38 € HT ; que la société MLDR a payé les travaux à hauteur de 3. 056. 027, 19 € HT ; qu’il reste donc dû la somme de 1. 741. 793, 77 € ; qu’après analyse méticuleuse du dire de la société MONTPELLIERAINE DE RENOVATION, dire réalisé par l’EURL LEI, Monsieur Y… a précisé que les montants qu’il avait retenus pour l’évaluation des travaux de la société SPIE tenaient compte de la nature des ouvrages réalisés  » dans leur consistance d’exécution  » et leur qualité, des non façons et des malfaçons retenues par l’expert judiciaire ; que les conclusions de Monsieur Y… serviront donc de base aux réclamations financières de la société SPIE ;

1°/ ALORS QUE l’expert doit accomplir personnellement sa mission ; que s’il peut recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, il doit conserver la direction, le contrôle ou la surveillance des opérations d’expertise ; qu’en estimant que Monsieur X… avait conservé ((la maîtrise des opérations d’expertise en reprenant les conclusions de son sapiteur et en annexant à son rapport celui de Monsieur Y…, après que ce dernier ait diffusé un pré-rapport et répondu aux dires)), quand un tel motif ne caractérise aucunement que Monsieur X… aurait assuré la direction, le contrôle ou la surveillance des opérations diligentées par Monsieur Y…, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 175, 233 et 278 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l’expert doit accomplir personnellement sa mission ; qu’en l’espèce, Monsieur X…, qui avait reçu la mission de décrire les travaux réalisés par la société SPIE BATIGNOLLES SUD-EST et d’en évaluer le. coût, s’en est totalement remis sur ces questions à l’analyse de Monsieur Y… ainsi que la Cour l’a relevé ; qu’en refusant malgré un tel constat de sanctionner cette délégation de mission, la Cour a violé les articles 175, 233 et 278 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE le juge est tenu de se prononcer sur la pertinence des moyens qui lui sont soumis ; que lorsque le moyen procède de la contestation circonstanciée de l’avis d’un expert, le juge ne saurait entériner cet avis sans procéder à la moindre analyse de sa pertinence et de celle de la contestation soulevée ; qu’en l’espèce, la société MDR contestait la quantité des travaux retenue par Monsieur Y… compte tenu de l’état d’avancement du chantier, dont elle justifiait ; qu’en ne répondant pas à cette contestation motivée et étayée par des éléments de preuve très circonstanciés, dont les expertises des experts Z… et B…, la Cour, qui ne pouvait se retrancher derrière le simple fait que Monsieur Y… avait écarté cette contestation en répondant au dire préparé par la société LEI, sans procéder à la moindre analyse de la pertinence de la réponse faite à cette contestation, a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS, en tous cas, QU’en ne procédant à aucune analyse de la pertinence de la réponse faite par Monsieur Y… à cette contestation, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l’article 13 82 du Code civil (…) ».

Source : La Gazette du Palais