SERVITUDES : Qu’est-ce qu’une vue, qu’est-ce qu’un jour ? (CA Colmar, Chambre civile 2, section A, 19 avril 2018, RG N° 15/05882)

Conséquences du classement des espaces boisés

SERVITUDES : Qu’est-ce qu’une vue, qu’est-ce qu’un jour ? (CA Colmar, Chambre civile 2, section A, 19 avril 2018, RG N° 15/05882)

Les propriétés de M. et Mme H., d’une part, et de M. et Mme K, d’autre part, sises […], sont contiguës. M. et Mme H estiment que leurs voisins disposent de vues illégales sur leur propriété, qu’il entendent voir supprimer. Ils ont saisi le Tribunal de grande instance de Strasbourg de cette demande. Reconventionnellement, M. et Mme K. ont sollicité la suppression d’une ouverture de toit et l’arrachage d’un lierre qui a poussé sur leur mur depuis le terrain de M. et Mme H.

Le tribunal, par jugement du 4 novembre 2015, a condamné solidairement M. et Mme K à supprimer la fenêtre de toit dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et M. et Mme H à arracher le lierre dans le même délai. Il a condamné respectivement chaque partie à supporter la moitié des dépens et rejeté toutes les autres prétentions.

Appel a été relevé.

L’immeuble litigieux bâti en limite de propriété du terrain voisin, comporte six ouvertures, à savoir une fenêtre de toit, trois fenêtres en verre dormant composées chacune de six carreaux d’égale dimension, dont deux carreaux peuvent être ouverts par basculement sur un axe, et de deux fenêtres de cave en verre dormant, comportant chacune quinze carreaux, dont un seul carreau central peut être ouvert par bascule. Ces dispositifs doivent être qualifiés de vues et non de simples jours, d’autant que l’ouverture des fenêtres de cave génère un empiétement sur le fonds voisin. En effet, une vue est constituée par une ouverture qui, fictivement prolongée dans la direction de son axe, atteint le fonds voisin, alors que les jours, dits de souffrance ou de tolérance, procurent uniquement la lumière et l’éclairement, sans permettre la vue. Le dossier photographique produit confirme que les vues sont possibles, la hauteur ou la faible ouverture des éléments basculants n’étant pas de nature à empêcher la vue, puisqu’il suffit à une personne de taille moyenne de monter sur la pointe des pieds ou sur un escabeau et de se pencher pour voir sur le fonds voisin, rendant possible toute indiscrétion. C’est en vain qu’il est soutenu que ces vues donneraient sur une façade aveugle, dès lors que le mur de la maison voisine se trouve à plus d’un mètre de la limite de propriété. Si l’ancien propriétaire du fonds voisin avait acquiescé à ces aménagements, ceux-ci devaient seulement permettre l’aération d’une partie du bâtiment, de sorte que l’autorisation donnée par l’ancien propriétaire doit s’analyser comme une simple tolérance, accordée par son auteur à titre personnel, qui ne pouvait valoir création d’une servitude de vue opposable au propriétaire actuel.

Le propriétaire de ces vues doit donc être condamné sous astreinte à supprimer toute possibilité d’ouverture par scellement des carreaux pivotants et par le remplacement de la fenêtre de toit translucide existante par une fenêtre à verre dormant, avec mise en place d’un système de condamnation de l’ouverture.

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