SAISIE DE DROGUE : Procédure suivant l’arraisonnement d’un voilier dans les eaux internationales (Cass. crim., 14 nov. 2019, n° 18-82324)

HOLDING : Responsabilité pénale

SAISIE DE DROGUE : Procédure suivant l’arraisonnement d’un voilier dans les eaux internationales (Cass. crim., 14 nov. 2019, n° 18-82324)

Un voilier est arraisonné et visité en haute-mer, au large des îles Tonga, par l’équipage d’une frégate de la Marine nationale. Une quantité de 1 438 kg de cocaïne pure est découverte à bord et une enquête judiciaire est alors ouverte. Le voilier est dérouté vers Nouméa et les membres de son équipage font l’objet d’une mesure de privation de liberté prolongée par le JLD, jusqu’à leur arrivée à Nouméa. Ils sont traduits devant le tribunal correctionnel de Nouméa devant lequel ils contestent la régularité de la procédure. Le tribunal correctionnel rejette les exceptions de nullité et reconnaît les prévenus coupables.

Les prévenus soutiennent que la procédure est nulle, le voilier ayant été arraisonné et fouillé par le commandant du navire, qui ne disposait pas d’une habilitation spéciale à cette fin.

Pour rejeter cette exception, la cour d’appel indique qu’en vertu de l’autorisation de l’État du pavillon, l’équipage de la frégate de la Marine nationale a pu valablement arraisonner et visiter le voilier dans les eaux internationales. L’arrêt retient que ces mesures ont été accomplies selon les modalités prévues par l’article 14 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994, qui dispose que, lorsqu’il visite un navire avec l’accord de l’État du pavillon, le commandant d’un bâtiment de la Marine nationale peut faire procéder à la saisie des stupéfiants découverts à bord du bâtiment visité, des objets et des documents qui paraissent liés à un trafic de stupéfiants, les faire placer sous scellés en présence d’un membre de l’équipage du navire visité, et ordonner le déroutement de celui-ci, ce texte ne nécessitant pas une information préalable du procureur de la République, ni une habilitation particulière du commandant du navire. L’arrêt ajoute qu’en vertu de l’article L. 1521-11 du Code de la défense, les membres de l’équipage du voilier ont pu être interpellés et privés de liberté au cours de cette visite. Les juges du second degré énoncent que ces mesures conservatoires ont été régulièrement accomplies, au regard des textes précités, applicables en l’espèce, et qu’elles précédaient l’ouverture d’une enquête pénale, laquelle, conformément à l’autorisation de l’État du pavillon, ne peut intervenir qu’après la découverte de la drogue. L’arrêt relève que, dès la saisie de la cargaison de cocaïne pure, les dispositions de l’article 16 de la loi précitée ont reçu application, le procureur de la République à Nouméa ayant immédiatement été informé de la découverte des stupéfiants et des mesures de coercition mises en œuvre, ce qui l’a conduit à ordonner l’ouverture d’une enquête de flagrant délit, confiée au Groupement Interministériel de Recherches et à la gendarmerie de Nouméa, qui a été aussitôt mise en œuvre par les enquêteurs présents sur la frégate.

Ainsi, la cour d’appel justifie sa décision dès lors que, d’une part, le commandant était habilité, en raison de ses seules fonctions, comme tous les commandants des bâtiments de l’État, et sans qu’il soit besoin d’une habilitation spéciale, à arraisonner et faire procéder à la visite et à la fouille du voilier, ainsi qu’à la saisie des produits stupéfiants et que, d’autre part, dès l‘information donnée au procureur de la République, les actes de police judiciaire ont été accomplis par des officiers habilités du navire et les officiers de police judiciaire présents.

Les prévenus soulèvent la nullité, faute de notification dans une langue qu’ils comprennent, des ordonnances du JLD ayant prolongé, en application du Code de la défense, les mesures de privation de liberté prises à leur encontre, jusqu’à l’arrivée, à Nouméa, de la frégate à bord de laquelle ils étaient retenus.

Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour écarter cette exception, énonce que la notification de ces ordonnances n’est pas prescrite à peine de nullité, laquelle ne peut être prononcée que si la personne qui l’invoque démontre que l’irrégularité lui a fait grief. L’arrêt ajoute qu’il était matériellement impossible, pour la Marine nationale, de faire traduire ces ordonnances dans la langue des prévenus. Il relève que les droits des prévenus n’ont pas été méconnus pendant leur privation de liberté, dès lors qu’ils ont été examinés par un médecin dont ils ont reçu la visite quotidienne, qu’ils ont communiqué avec des membres de l’équipage, que le juge des libertés et de la détention, qui a reçu les certificats médicaux établissant leur aptitude à la mesure de privation de liberté, a prolongé celle-ci par des ordonnances régulièrement transmises, les prévenus n’ayant formulé aucune observation sur le cahier de rétention à leur disposition, et qu’aucun grief ne résulte pour eux de l’absence de notification de ces ordonnances, insusceptibles de recours.

Texte intégral de l’arrêt en suivant ce lien : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2239_14_43883.html

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