INFECTION NOSOCOMIALE : Confirmation de l’absence d’obligation pour la victime de minimiser son dommage (Civ. 1ère, 15 janvier 2015, n° 13-21.180)

INFECTION NOSOCOMIALE : Confirmation de l’absence d’obligation pour la victime de minimiser son dommage (Civ. 1ère, 15 janvier 2015, n° 13-21.180)

Infection nosocomiale – refus du patient de se soumettre à un traitement médical – réduction du droit à indemnisation (non)

La Cour de cassation, par la présente décision, fait une nouvelle application du principe de non minimisation du dommage de la victime.

Ce principe directeur du droit de la responsabilité a fait l’objet d’applications récurrentes par la Cour de cassation, qu’il s’agisse de dommages matériels (Civ. 2, 19 juin 2003, n° 00-22302) ou corporel (Civ. 2, 19 mars 1997, n°93-10914 ; Civ. 2, 19 juin 2003, n° 01-13289 : refus de se soumettre à une rééducation orthophonique et psychologique préconisé par un neurologue pour réduire les troubles psychiques ; Civ.1, 3 mai 2006, n° 05-10411 : refus de se soumettre à un traitement de l’hépatite C), la Cour rappelant traditionnellement que « la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

En l’espèce, un patient avait subi une intervention chirurgicale pratiquée à la Clinique Bel Air à la suite de laquelle il a présenté une hyperthermie indiquant un état infectieux. Ayant refusé tout traitement, il a quitté l’établissement deux jours plus tard pour réintégrer son domicile, contre avis médical.  Son état s’étant aggravé, il a été admis, un mois plus tard, dans un autre établissement où une septicémie par streptocoque a été diagnostiquée, avec des atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au coeur qui ont nécessité plusieurs traitements.

La Cour d’appel, pour limiter la responsabilité de la Clinique du Bel air aux conséquences de l’infection nosocomiale contractée par le patient si elle avait été « normalement traitée », se fonde sur le fait que le refus du patient de se soumettre à des analyses et examens préconisés par l’établissement de santé a été à l’origine de l’aggravation de son état, n’ayant pas permis de mettre en œuvre une antibiothérapie adaptée et donc de résorber l’infection.

La solution est originale dans la mesure où la Cour d’appel, pour justifier sa position, invitait à distinguer entre la réduction du dommage et évitement d’une situation d’aggravation, ajoutant que les traitements préconisés étaient dépourvus de caractère lourd et pénible.

Cette distinction ne convainc pas la Haute Juridiction qui censure la Cour d’appel au visa de l’article 16-3 du Code Civil dans les termes suivants :

« Qu’en statuant ainsi, en imputant l’aggravation de l’état de M. X… à son refus des traitements proposés, alors que ceux-ci n’avaient été rendus nécessaires que parce qu’il avait contracté une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

Sur le fond, cette décision ne brille pas par son originalité.

En revanche, ce qui est notable, c’est que la Cour se soit fondée sur l’article 16-3 du Code civil et ce alors même que les articles L 1142-1 et L 1111-4 du Code de la Santé Publique, relatifs respectivement au consentement médical et au régime d’indemnisation des infections nosocomiales, auraient constituer des fondements juridique suffisants pour justifier la cassation. D’ailleurs, sur ce point, on rappellera que les décisions rendues antérieurement l’avaient été au visa des seuls articles 1382 et 1147 du Code civil.

En se référant à l’article 16-3 du Code civil, la Cour recherche, sans nul doute, à affirmer le caractère fondamental de l’obligation de non minimisation du dommage.

L’invocation des principes dégagés par les lois de bioéthique, codifiés aux articles 16 et suivants du code civil, n’est pas innovante. Rappelons, à ce titre, que la Cour de cassation, pour consacrer la réparation d’un préjudice autonome découlant du seul manquement à l’obligation d’information du praticien, avait rendu sa décision au visa de l’article 16 du Code civil relatif au principe de respect de la dignité humaine (Civ.1, 3 juin 2010, n° 09-13.591).

Cette référence permet également de faire barrage à toute tentative des juges du fonds de se fonder, pour minorer le préjudice, comme c’était le cas en l’espèce, sur l’absence de caractère lourd ou pénible de l’acte médical litigieux, l’article 16-3 imposant le recueil d’un consentement libre et éclairé comme un préalable nécessaire de tout acte médical.

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/responsabilite-medicale.html