INDEMNISATION PAR L’ONIAM : indemnisation au titre de la solidarité nationale des proches, non ayants droit, de la victime décédée (CE, 3 juin 2019, n° 414098)

INDEMNISATION PAR L’ONIAM : indemnisation au titre de la solidarité nationale des proches, non ayants droit, de la victime décédée (CE, 3 juin 2019, n° 414098)

Les proches d’une personne décédée à la suite d’un accident médical peuvent solliciter une indemnisation pour les souffrances endurées, alors que, même présentant des liens étroits avec cette dernière, ils n’ont pas la qualité d’héritiers.

En 2010, une adolescente décède des suites d’un accident ischémique survenu au cours d’une intervention pratiquée en 2008. Les proches de la victime, dont ses parents et leurs conjoints respectifs, forment une demande d’indemnisation. Les parents demandent des indemnités réparant, d’une part, les souffrances que leur fille a endurées à la suite de l’accident, dont le droit à réparation leur a été transmis par voie successorale et, d’autre part, les préjudices qu’eux-mêmes et leurs deux filles mineures ont subis du fait de son décès. Leurs nouveaux conjoints respectifs, ainsi que les grands-parents maternels de la victime, demandent réparation de leurs préjudices personnels résultant du décès, l’un des conjoints agissant en son nom personnel et au nom de ses deux filles mineures.

 Par jugement du 19 novembre 2014, le Tribunal administratif de Poitiers condamne l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au versement d’indemnités d’un montant total de 113 146,35 euros. Il octroie notamment aux conjoints la somme de 8 000 € chacun, au titre du II de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique. Rappelons que ce texte ouvre, notamment en cas de décès dû à un accident médical, un droit à réparation « des ayants droit », au titre de la solidarité nationale.

L’ONIAM interjette appel. Par un arrêt du 11 juillet 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement, en tant qu’il allouait ces indemnités aux nouveaux conjoints des parents. Pour juger qu’ils ne pouvaient prétendre à une indemnisation, la Cour retient que les conjoints respectifs des parents de la de cujus, faute de posséder la qualité d’héritier ou de légataire de la victime, ne pouvaient être regardés comme ses ayants droit au sens du texte précité.

Les nouveaux conjoints des parents forment un pourvoi en cassation.

Après avoir rappelé les termes de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, le Conseil d’État énonce qu’ « en prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d’une personne décédée en raison d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain ». Il en résulte qu’en se prononçant comme elle l’a fait, la cour d’appel a commis une erreur de droit. Les magistrats de la rue Montpensier ajoutent que « par ailleurs, lorsque la victime a subi avant son décès, en raison de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale, des préjudices pour lesquels elle n’a pas bénéficié d’une indemnisation, les droits qu’elle tirait des dispositions précitées sont transmis à ses héritiers en application des règles du droit successoral résultant du Code civil ».

Marquant bien la distinction entre les héritiers et les proches de la victime (comme en l’espèce, dans le cadre de familles recomposées), cette décision du 3 juin 2019 consacre le droit à l’indemnisation des personnes présentant des liens étroits avec la personne décédée, même en l’absence de lien successoral au sens strict.

Cette solution, novatrice, s’inscrit dans le prolongement des décisions rendues en la matière, qui étendent progressivement la notion de victime ayant qualité et intérêt à agir en réparation. On rappellera que la qualité de victime par ricochet (ou victime indirecte) a déjà été reconnue par le Conseil d’État offrant la possibilité pour les parents d’un patient de demander réparation de leur propre préjudice au titre de la solidarité nationale (CE, 27 mai 2016, n° 391149 : indemnisation des parents pour les dommages causés à leur fils non décédé (narcolepsie cataplexie) à la suite d’une vaccination contre le virus de la grippe A (H1N1) ; CE, 9 déc. 2016, n° 390892 : indemnisation de l’épouse et des enfants réparant les préjudices ayant résulté pour eux de l’infection contractée par le patient ; v. dans le même sens, Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 15-19.716, Bull. civ. I, n° 40, en matière d’indemnisation des victimes directes et indirectes pour l’ensemble des dommages causés par une infection nosocomiale).

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