DROIT DES MEDICAMENTS : Le juge administratif et le droit des médicaments

Mise sur le marché de médicaments.

DROIT DES MEDICAMENTS : Le juge administratif et le droit des médicaments

La chaîne du médicament est rythmée par une multitude de procédures.

Le juge administratif a développé une jurisprudence soucieuse de favoriser l’accès au juge, d’assurer le respect des garanties de procédure relatives et d’exercer sur les faits un contrôle vigilant adapté à la technicité de la matière.

Délivrance de l’autorisation de mise sur le marché, inscription sur la liste des médicaments remboursables par l’assurance maladie, fixation du prix des spécialités, pharmacovigilance, mesures de police sanitaire : la chaîne du médicament est rythmée par une multitude de procédures. Elles obéissent à des finalités bien distinctes, de sécurité sanitaire pour les unes, de prise en charge financière par la collectivité pour les autres. Si le législateur et le pouvoir réglementaire disposent d’une grande latitude pour organiser certains pans du droit du médicament, d’autres domaines sont en revanche soumis à un fort encadrement du droit de l’Union européenne. Dans cet environnement juridique complexe et sous-tendu par d’importants enjeux de santé publique, le juge administratif a développé une jurisprudence soucieuse de favoriser l’accès au juge, d’assurer le respect des garanties de procédure relatives, notamment, à la transparence et à l’impartialité du processus de décision, et d’exercer sur les faits un contrôle vigilant adapté à la technicité de la matière.

1. Mise sur le marché, fixation du prix, prise en charge par l’assurance maladie, pharmacovigilance : les grands pans du droit des médicaments

Pour pouvoir vendre un médicament en pharmacie ou le délivrer en milieu hospitalier, le fabricant doit disposer d’une autorisation de mise sur le marché (ou le cas échéant, à titre exceptionnel, d’une autorisation temporaire d’utilisation).

Cette autorisation est délivrée soit par la Commission européenne après avis de l’Agence européenne des médicaments, soit, en France, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

La procédure d’octroi des autorisations de mise sur le marché est étroitement encadrée par le droit de l’Union européenne. Il existe trois procédures propres à l’Union européenne, notamment lorsque le médicament est innovant ou destiné à plusieurs Etats membres :

– tout d’abord, au terme de la procédure dite « centralisée », une entreprise peut se voir délivrer par la Commission européenne une unique autorisation de mise sur le marché, valable dans tous les Etats membres de l’Union européenne et qu’il appartient aux autorités nationales de respecter. Cette procédure est obligatoire pour certains médicaments (médicaments indiqués pour les maladies orphelines, médicaments dérivés des biotechnologies…) ;

– un médicament destiné à être mis sur le marché dans plus d’un Etat membre peut également bénéficier de la procédure de « reconnaissance mutuelle » : à partir d’une première autorisation de mise sur le marché obtenue dans un Etat membre, l’évaluation effectuée par cet Etat est reconnue par les autres Etats membres où le médicament est destiné à être commercialisé ; l’autorisation de mise sur le marché initiale peut alors être étendue aux autres Etats membres ;

– enfin, si le médicament ne dispose encore d’aucune autorisation, il peut emprunter la procédure dite « décentralisée » : l’entreprise dépose son dossier simultanément auprès des autorités de tous les Etats membres. L’évaluation est conduite par un Etat choisi comme Etat membre de référence. Si l’autorisation est accordée, elle vaut dans les autres Etats membres.

Dans ce contexte, la procédure nationale d’autorisation de mise sur le marché est de moins en moins utilisée. Elle s’applique essentiellement pour les demandes de mise sur le marché strictement limitées au territoire national. L’ANSM procède alors à une évaluation du rapport bénéfice risque de la spécialité, qui doit être favorable pour justifier l’octroi de l’autorisation. La décision revient au directeur général de l’ANSM, après avis de la commission d’évaluation initiale du rapport bénéfice risque des produits de santé.

Afin d’être pris en charge par l’assurance maladie, un médicament doit avoir un prix de vente au public [1].

Le Comité économique des produits de santé (CEPS)[2], organisme interministériel placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l’économie, contribue à l’élaboration de la politique économique du médicament, notamment en en fixant ce prix en liaison avec les entreprises concernées.

La décision de fixation du prix est, dans la plupart des cas, le résultat d’une convention bilatérale entre le CEPS et l’entreprise qui l’exploite. Toutefois, à défaut d’accord, le CEPS fixe unilatéralement le prix de la spécialité. Les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l’économie peuvent alors s’opposer, dans un délai de quinze jours, au prix unilatéralement fixé et arrêter à leur tour le prix qu’ils estiment approprié.

Le code de la sécurité sociale précise les critères de fixation du prix, sans que cette liste soit exhaustive (CE, 20 octobre 2004, Société Bayer Pharma, n° 256899) : amélioration du service médical rendu, prix des médicaments à même visée thérapeutique, volumes de vente, conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament…

Parallèlement à la fixation du prix de vente au public du médicament, ce dernier peut faire l’objet d’une procédure de prise en charge par l’assurance maladie.

Le droit français repose sur un système de « listes positives ». On distingue essentiellement trois listes, qui répondent à des conditions de délivrance ou à des modalités de financement particulières. Les décisions d’inscription et de radiation sont prises par arrêtés ministériels.

Tout d’abord, les entreprises pharmaceutiques sollicitent généralement l’inscription de la spécialité sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, prévue à l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale. L’inscription sur cette liste permet le remboursement de la spécialité lorsqu’elle est délivrée, sur prescription d’un médecin, en officine de pharmacie.  Cette procédure est distincte d’une autre procédure par laquelle l’Union nationale des caisses d’assurance maladie fixe le taux de remboursement du médicament.

L’achat et l’utilisation de médicaments par les établissements de santé sont, quant à eux, subordonnés à l’inscription sur la liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques, prévue à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique. Cette liste constitue le pendant de la liste précédente puisqu’elle permet la délivrance d’une spécialité non pas en pharmacie « de ville » mais lors d’une hospitalisation.

Les procédures d’inscription sur les deux listes sont analogues. Ainsi, toute décision ministérielle relative à l’une de ces listes doit être précédée de la consultation de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé [3].

Les critères d’inscription sont, pour l’essentiel, similaires. Dans les deux cas, le ministre tient notamment compte du service médical rendu. Les textes prévoient également les cas dans lesquels, à l’inverse, le ministre est tenu de ne pas inscrire le médicament, notamment, en cas d’absence d’amélioration du service médical rendu ou d’économie dans le coût du traitement médicamenteux, ou de prix injustifié.

Le Conseil d’Etat a toutefois précisé que ces deux listes restaient distinctes l’une de l’autre. Si l’inscription d’une spécialité sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux permet l’inscription, de droit, de cette spécialité sur la liste « collectivités », la réciproque n’est pas vraie. En outre, la radiation d’une spécialité de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux n’entraîne pas mécaniquement sa radiation de la liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques (CE, 23 février 2011, Société Biogaran et société Alept, n° 337646).

Par ailleurs, les conditions de fixation du prix d’une spécialité varient selon la liste en cause : si le prix négocié entre le CEPS et l’entreprise est celui qui est indiqué pour l’inscription sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, le prix d’une spécialité inscrite sur la liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques est librement déterminé entre l’établissement de santé concerné et l’entreprise exploitant le médicament.

Enfin, il existe une liste des médicaments pris en charge en dehors du tarif des prestations d’hospitalisation, dite liste « en sus » , prévue à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale.

L’inscription sur cette liste n’interfère pas avec les conditions de délivrance des médicaments, mais seulement avec leur mode de tarification. Alors que les médicaments dispensés aux patients hospitalisés dans un établissement de santé sont en principe inclus dans le tarif des prestations d’hospitalisation propre à chaque groupe homogène de séjour (GHS), les spécialités inscrites sur la liste « en sus » sont facturables par les établissements de santé en dehors des GHS.

Cette procédure est utilisée pour les spécialités innovantes particulièrement onéreuses et prescrites dans des pathologies particulières, pour lesquelles une prise en charge selon le régime classique de tarification n’est pas adaptée. Les décisions d’inscription et de radiation de cette liste sont prises par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis du conseil de l’hospitalisation[4]. Ce conseil n’est pas, à la différence de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé, composé d’experts scientifiques mais de membres de l’administration, chargés de rendre des recommandations sur la politique de financement des établissements de santé.

L’autorisation de mise sur le marché n’épuise pas la problématique de la sécurité sanitaire : les médicaments, comme les autres produits de santé, font l’objet d’un suivi en aval de leur mise à disposition du public, qui prend notamment la forme de la pharmacovigilance. Cette notion recouvre les dispositifs de surveillance, d’évaluation, de prévention et de gestion du risque d’effets indésirables liés à l’utilisation de médicaments ou d’autres produits mentionnés à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique[5].

Les médicaments peuvent, le cas échéant, faire l’objet de mesures de police sanitaire (pour une mesure de suspension d’autorisation de mise sur le marché contestée devant le juge administratif : (CE, 7 juillet 2010, Société Menarini France, n° 335101).

2. Un contrôle vigilant du juge administratif

Un prétoire largement ouvert

Les décisions du directeur général de l’ANSM autorisant ou refusant la mise sur le marché d’un médicament, les arrêtés ministériels relatifs à la prise en charge par l’assurance maladie d’une spécialité ou encore les décisions du CEPS de fixation ou de modification du prix d’un produit ont le caractère de décisions administratives qui sont, en tant que telles, susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative compétente.

            A côté de ces décisions individuelles et réglementaires, le droit de la santé est également marqué par l’importance des recommandations émanant d’experts et recensant les données acquises de la science sur un sujet donné. Si la plupart de ces recommandations n’ont pas par elles-mêmes force obligatoire, le Conseil d’Etat considère que certaines d’entre elles doivent, compte tenu de leur portée considérable en pratique, pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

            C’est le cas notamment des recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute autorité de santé, qui sont susceptibles de recours (CE, 27 avril 2011, Association pour une formation médicale indépendante, n° 334396). Ces recommandations constituent en effet de véritables guides méthodologiques pour les professionnels de santé, qui ont l’obligation déontologique de tenir compte des données acquises de la science telles qu’elles ressortent, notamment, de ces recommandations. C’est également le cas des  recommandations d’usage émises par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à laquelle s’est substituée, depuis le 1er mars 2012, l’ANSM, dans le cadre du dispositif de pharmacovigilance (CE, 4 octobre 2013, Société Laboratoires Servier, n° 356700).

En revanche, conformément à la solution généralement retenue en contentieux administratif, les actes préparatoires ne sont pas susceptibles de recours.

Par exemple, les avis rendus par la commission de la transparence de la Haute autorité de santé, que le ministre doit obligatoirement consulter avant de prendre sa décision d’inscription ou de radiation de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux ou de celle des spécialités agréées à l’usage des collectivités publiques, ne peuvent pas être directement attaqués devant le juge (CE, 6 octobre 2000, Société anonyme Novartis Pharma, n° 210733). De même, les lettres que le Comité économique des produits de santé adresse à une société exploitant un médicament, en vue de conclure une convention bilatérale de prix ou, à défaut, de fixer unilatéralement le prix de cette spécialité, constituent de simples échanges dans le cadre d’une négociation et non des décisions faisant grief susceptibles de recours pour excès de pouvoir (par exemple, CE, 20 mars 2013, Société Addmedica, n°s 356661-356663-359439-361786-363195).

En revanche, les irrégularités susceptibles d’avoir entaché ces actes préparatoires peuvent être invoquées ultérieurement à l’appui du recours formé contre l’acte intervenant en fin de processus, par exemple, s’agissant des avis de la commission de la transparence, à l’encontre de la décision inscrivant ou refusant d’inscrire une spécialité sur la liste des médicaments remboursables.

Le contrôle du respect des règles de procédure, notamment du principe d’impartialité

            Le juge administratif veille au respect des procédures préalables à l’adoption des actes administratifs. Dans le domaine du médicament, ces procédures revêtent une importance spécifique, notamment pour permettre à l’autorité investie du pouvoir de décision de s’entourer de toute l’expertise scientifique nécessaire en recueillant l’avis de commissions composées de personnes particulièrement qualifiées dans ce domaine.

            A ce titre, il vérifie, en cas de contestation, que l’administration a bien procédé aux consultations préalables prévues par les textes législatifs et réglementaires et que ces consultations ont été régulières.

            Le juge, saisi de moyens en ce sens, a par ailleurs été conduit à se prononcer sur la question essentielle de l’impartialité des personnes intervenant dans le processus de décision.

            De récentes affaires de sécurité sanitaire ont conduit le législateur à renforcer les règles déontologiques qui s’imposent, entre autres, aux commissions et groupes d’experts intervenant dans le champ sanitaire [6]. Même avant l’intervention de ces dispositions nouvelles, pouvait être invoqué devant le juge administratif un moyen tiré de la méconnaissance du principe général d’impartialité, qui s’impose à tout organe administratif, ainsi que des obligations déontologiques spécifiques applicables aux membres de ces commissions. Le juge sanctionne le cas échéant tout conflit d’intérêt entre les membres de ces commissions et les entreprises pharmaceutiques.

            Dans cette optique, le juge administratif vérifie que les membres et rapporteurs extérieurs, appelés par certaines commissions pour examiner les dossiers dont elles sont saisies, ne présentent pas, avec les entreprises dont les produits font l’objet d’un examen ou avec leurs concurrents, des liens tels qu’ils seraient, par leur consistance, leur actualité et leur intensité, de nature à affecter objectivement leur impartialité (CE, 12 février 2007, Société Les laboratoires Jolly-Jatel et autres, n°s 290164-290217-290219-290331-290653).

            Pour ce faire, il s’appuie notamment sur les déclarations d’intérêts obligatoirement remplies par les membres des commissions d’experts lors de leur prise de fonction. Ainsi, lorsqu’un tel débat a lieu devant le juge, il appartient à la Haute autorité de santé de verser au dossier les déclarations d’intérêts des membres d’un groupe de travail dont l’impartialité était contestée ou, à défaut, tous éléments permettant au juge de s’assurer de l’absence ou de l’existence de liens d’intérêts avec des acteurs du secteur et d’apprécier, le cas échéant, si ces liens sont de nature à révéler des conflits d’intérêts.

            Si l’administration ne produit devant lui ni les déclarations d’intérêts ni d’autres éléments pertinents, le juge administratif, qui n’est pas mis à même d’apprécier la régularité de la procédure, prononce l’annulation de la décision (CE, 27 avril 2011, Association pour une formation médicale indépendante, n° 334396).

            Lorsque ces éléments sont produits, le Conseil d’Etat procède à un contrôle attentif des faits susceptibles de traduire une situation de conflit d’intérêts. A cet égard, invoquer le contenu des déclarations d’intérêts des rapporteurs d’une commission ne suffit pas à caractériser une telle situation. Le requérant doit préciser ses allégations et démontrer en quoi les liens entre un membre et un laboratoire caractérisent un intérêt direct ou indirect de nature à remettre en cause son impartialité. Le juge procède alors à un examen concret des liens en cause (CE, 13 novembre 2013, Société Novartis Pharma SAS, n° 344490).

Le contrôle du bien-fondé des décisions prises

Lorsqu’elle est contestée, le juge administratif vérifie d’abord la légalité des critères utilisés par l’administration, par exemple pour accepter ou refuser la prise en charge d’un médicament par l’assurance maladie ou pour décider du prix d’une spécialité.

Ces critères sont le plus souvent fixés par les textes législatifs ou réglementaires [7] mais, dans certains cas, le juge administratif s’est prononcé sur la légalité d’autres critères utilisés par les pouvoirs publics, soit que les textes fixent une liste non exhaustive de critères (pour la fixation du prix d’une spécialité : CE, 20 octobre 2004, Société Bayer Pharma, n° 256899), soit qu’ils ne définissent pas expressément les critères (pour l’inscription d’une spécialité sur la liste des spécialités prises en charge en sus des prestations d’hospitalisation : CE, 15 mai 2013, Société Pfizer, n° 349326).

Le Conseil d’Etat a ainsi eu l’occasion de préciser sur certains points les critères régissant les procédures d’inscription sur les listes de prise en charge ou de fixation du prix.

Par exemple, l’inscription d’un médicament sur une liste dépend notamment du service médical rendu par ce médicament. Le service médical rendu est évalué pour le médicament concerné, en fonction de son efficacité, des effets indésirables, de la gravité de l’affectation, de son caractère préventif, curatif ou symptomatique. Le Conseil d’Etat juge que le ministre, pour apprécier le caractère suffisant du service médical rendu par une spécialité donnée, peut tenir compte du service médical rendu par d’autres médicaments poursuivant la même finalité (CE, 3 juin 2013, Société Laboratoire GlaxoSmithKline, n° 352655).

La fixation du prix dépend, pour sa part, de l’amélioration du service médical rendu apportée par ce produit. Ce critère est apprécié par comparaison avec les médicaments de même classe pharmaco-thérapeutique. Le Conseil d’Etat a précisé que le comité économique des produits de santé n’avait pas à prendre en compte les coûts spécifiques de production (CE, 15 mai 2013, S.A. Laboratoire Sciencex, n° 357112). Il en va toutefois autrement dans l’hypothèse où il s’agit de déterminer le prix d’une spécialité reconnue comme médicament orphelin, pour laquelle il n’existe pas de médicament à même visée thérapeutique en France. Dans ce cas, ces coûts doivent être pris en considération (CE, 20 mars 2013, Société Addmedica, n° 356661).

Une fois qu’il s’est assuré que les critères utilisés sont légaux, le Conseil d’Etat vérifie la manière dont l’administration les a appliqués aux faits.

Il s’agit de s’assurer, tout d’abord, que l’administration s’est fondée sur des faits matériellement exacts. Ce point de contrôle ne présente, en matière de médicaments, aucune caractéristique particulière. 

Il s’agit ensuite de vérifier que l’administration a correctement apprécié ces faits. Le service médical rendu par telle ou telle spécialité est-il suffisant pour justifier son inscription sur la liste des médicaments remboursables ? L’amélioration du service médical rendu justifie­-t-elle vraiment le niveau de prix arrêté ? Eu égard à la technicité des évaluations en cause, le juge administratif exerce dans de nombreux cas de figure un contrôle restreint, en ne censurant que les cas dans lesquels l’administration a commis une erreur « manifeste » d’appréciation. Ce contrôle restreint n’en est pas pour autant moins vigilant : il revient à chaque partie de justifier le bien-fondé, notamment scientifique, de sa position à l’égard des caractéristiques et effets du médicament considéré.

Par exemple, le Conseil d’Etat a relevé que, compte tenu du défaut de précision des informations relatives au déroulement des essais portant sur la bioéquivalence entre un médicament générique et la spécialité d’origine, l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que cette bioéquivalence n’avait pas été démontrée de manière suffisamment fiable et qu’elle pouvait ainsi refuser de délivrer l’autorisation de mise sur le marché sollicitée (CE, 23 juillet 2003, Société CLL Pharma, n° 243926). A l’inverse, à propos d’une décision de suspension d’une autorisation de mise sur le marché, le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’absence d’indices sérieux et concluants d’un risque grave pour la santé publique, cette mesure était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et l’a annulée (CE, 7 juillet 2010, Société Menarini France, n° 335101). En matière d’admission au remboursement, le Conseil d’Etat a, par exemple, jugé que, compte tenu de la fréquence et de la gravité des effets indésirables d’un médicament, alors même qu’il permettrait une certaine amélioration de la médiane de survie globale des patients atteints d’un cancer métastasique du pancréas, le refus de l’inscrire sur la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation (CE, 12 mai 2010, Société Roche, n° 316859).

Ce contrôle restreint n’est pas antinomique de la faculté pour le juge d’utiliser ses pouvoirs d’instruction et de faire, par exemple, appel à une expertise s’il l’estime nécessaire pour pouvoir trancher en toute connaissance le litige.

[1] Sur les règles régissant la fixation du prix de vente au public des médicaments, voir l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale

[2] Sur le rôle et le fonctionnement du Comité économique des produits de santé, voir l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale.

[3] Voir les articles R. 163-15 et suivants du code de la sécurité sociale.

[4] Voir l’article R. 162-42-7 du code de la sécurité sociale.

[5] Voir la définition qu’en donne l’article L. 5121-22 du code de la santé publique.

[6] Voir notamment l’article L. 1451-1 du code de la santé publique issu de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

[7] Par exemple, l’article R. 163-3 du code de la sécurité sociale définit les critères d’inscription sur la liste mentionnée à l’article L. 162-17 du même code ; l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale fixe la grille des critères intervenant dans la fixation du prix d’une spécialité.

[8] Directive 2011/62/UE du 8 juin 2011 modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

[9]Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments, prise en application de l’article 38 de la Constitution.

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