COMMUNICATION ELECTRONIQUE PAR RPVA : « Si le système ne fonctionne pas, il faut en revenir aux textes »

COMMUNICATION ELECTRONIQUE PAR RPVA : « Si le système ne fonctionne pas, il faut en revenir aux textes »

Deux interruptions de service de plusieurs jours viennent de toucher la communication électronique des avocats avec la cour d’appel puis le TGI de Paris. Responsable de la communication numérique du Conseil national des barreaux, Sandrine Vara rappelle la conduite à tenir pour les avocats dans ce cas.

Sandrine Vara, présidente de la commission numérique du CNB

Gazette du Palais : Le RPVA vient de connaître des difficultés de communication avec la cour d’appel puis le TGI de Paris. Que deviennent les notifications envoyées par les avocats durant ces pannes ?

Sandrine Vara : Rappelons d’abord comment fonctionne le système. Les avocats se connectent sur leur réseau, le RPVA, et sur une application, e-barreau, qui est l’interface visible par les avocats pour communiquer avec les juridictions. De son côté, la Chancellerie a mis en place le réseau miroir du RPVA qui est le RPVJ, avec des applications par juridiction (WinCI TGI et WinCI cour d’appel). L’interface e-barreau se connecte à l’interface applicative de la juridiction afin qu’elles communiquent entre elles. Quand l’avocat rentre le numéro de répertoire général, il appelle donc la base de données du greffe. Or, quand il y a une panne, c’est à ce stade-là que cela se passe ; on ne peut pas interroger la base de données du greffe donc il n’y a pas d’acte envoyé à ce dernier. E-barreau est conçu pour que, quand un avocat envoie un message, il reçoive trois accusés de réception : le premier, automatique, accuse réception de l’avocat adverse ; le deuxième est un accusé de réception, également automatique, d’envoi au greffe ; et le troisième, horodaté, est envoyé quand le greffe a pris connaissance du message. Il est également possible d’essayer de rentrer dans la messagerie de manière manuelle en complétant tous les champs (services, nom des parties, etc.) mais la difficulté est que l’avocat ne reçoit pas d’accusé de réception dans ce cas. La plupart des avocats n’essaient donc pas de faire des messages manuels. Quand ça ne marche pas, ils abandonnent.

« Les alternatives au système informatique sont prévues »

Gaz. Pal. : Comment les avocats doivent-ils réagir en cas de panne ?

S. Vara : Si le système ne fonctionne pas, il faut en revenir aux textes. En l’occurrence, il faut faire application, dans les procédures relevant des cours d’appel et avec représentation obligatoire – sans représentation obligatoire, la communication électronique est facultative –, de l’article 930-1 alinéa 2 du Code de procédure civile qui dispose : « Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ». Évidemment, quand une indisponibilité dure plusieurs jours, comme à Paris, cela pose un vrai problème de responsabilité. Car quand on a pris l’habitude d’utiliser un système de communication dématérialisé, on oublie de revenir à ce qu’on faisait auparavant.

Dans les procédures relevant des TGI, avec ou sans représentation obligation, la communication électronique est encore facultative. Les choses changeront pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2019, dans les procédures avec représentation obligatoire. Néanmoins, l’article 796-1 du Code de procédure civile prévoit lui-aussi l’hypothèse du recours au papier en présence d’une cause étrangère.

Gaz. Pal. : La responsabilité des avocats peut donc être mise en cause ?

S. Vara : Oui, comme pour n’importe quelle erreur commise par l’avocat. Les alternatives au système informatique sont prévues. Il appartient à l’avocat de connaître les règles auxquelles il est soumis. À partir du moment où il respecte les règles du Code, que l’informatique marche ou pas ne change rien, c’est juste plus laborieux de faire sans.

Gaz. Pal. : Qu’arrive-t-il si un avocat veut envoyer une notification au dernier moment alors que le système ne fonctionne pas, mais n’a plus le temps de faire une lettre recommandée avec accusé de réception ?

S. Vara : Le Code prévoit que lorsqu’un qu’acte doit être envoyé à une certaine date et que, pour des causes étrangères, on ne peut pas l’envoyer par voie électronique, le délai est prorogé jusqu’au jour ouvrable suivant (CPP, art. 748-7). Dans ce cas de figure, comme dans les autres d’ailleurs, je conseille aux avocats de faire une copie d’écran pour prouver leur bonne foi.

« Avant de lancer de nouveaux projets, il faut faire fonctionner ceux qui existent »

Gaz. Pal. : Quels sont les moyens d’action du CNB lorsque de telles pannes se produisent ?   

S. Vara : Dès que nous avons connaissance d’un dysfonctionnement, le centre de services interroge le ministère sur les raisons… mais souvent personne ne répond ! Or, nous avons une application d’assistance du CNB ainsi d’un écran d’indisponibilités sur-e-barreau que nous ne pouvons pas mettre à jour tant que le ministère ne nous a pas confirmé la panne.

Gaz. Pal. : Ces pannes arrivent-elles souvent ?

S. Vara : Oui. Il y en a eu beaucoup en 2018, en raison de nombreuses mises à jour côté ministère.

Gaz. Pal. : Le CNB s’est récemment réuni avec des membres de la Chancellerie sur le numérique. Avez-vous obtenu des garanties ?

S. Vara : Nous faisons des comités de partenariat régulièrement. Le dernier était le 27 mars. Nous avons demandé des garanties sur le fonctionnement du réseau du ministère et une amélioration de la communication entre nous. Le CNB investit énormément dans les outils numériques pour assurer leur fiabilité aux avocats mais il n’y a pas le même répondant en face. Le système date d’une dizaine d’années. Or, on sait qu’en matière applicative, un logiciel qui a plus de 10 ans est archaïque. Nous demandons depuis des années des améliorations sur des points particulièrement irritants pour les avocats : rejet de l’adresse avocat-conseils.fr par les juridictions qui vient enfin d’être réglé, limitation du poids du fichier à 4 Mo qui devrait être augmenté en septembre après quatre reports de date… Le ministère de la Justice vient de faire adopter une loi de programmation qui fait la part belle au numérique et nous demande d’intervenir sur de nombreux sujets, dont Portalis ou la procédure pénale numérique. Mais nous estimons qu’avant de lancer de nouveaux projets, il faut faire fonctionner ceux qui existent. Or, la communication électronique civile est loin d’être parfaite. Le ministère promet depuis longtemps un budget supplémentaire pour la justice mais pour le moment, nous ne voyons rien venir.

https://www.christian-finalteri-avocat.fr/avocat-bastia/cabinet-avocat-actualites/procedure-civil.html