Conduite sous l’empire de stupéfiants : le droit au contrôle (Cass. crim., 21 janvier 2015, n° 14-82293)

Conduite sous l’empire de stupéfiants : le droit au contrôle (Cass. crim., 21 janvier 2015, n° 14-82293)

Le conducteur qui a fait l’objet d’un dépistage de produits stupéfiants se révélant positif, est en droit de demander à la juridiction de jugement une expertise ou examen technique de contrôle ou une recherche de médicaments psychoactifs, sans qu’un délai ne lui soit légalement imparti à peine de forclusion.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

« (…) Statuant sur le pourvoi formé par :

– M. Joël X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 27 février 2014, qui, pour blessures involontaires aggravées, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, à un an de suspension du permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 10 décembre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Foulquié, Moignard, Castel, Moreau, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Sassoust ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

Sur le rapport de Mme le conseiller CARON et les conclusions de M. l’avocat général SASSOUST ;

Vu le mémoire personnel produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 235-4 et suivants du code de la route, de l’arrêté du 5 septembre 2001 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l’usage de stupéfiants et des analyses et examens prévus par le code de la route, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite d’une collision entre deux véhicules ayant occasionné des blessures graves aux conducteurs, Mme Z… et M. X…, l’analyse sanguine à laquelle a été soumis ce dernier a révélé la présence de cannabis ; que le second a été poursuivi pour blessures involontaires par conducteur ayant fait usage de stupéfiants ;

Attendu que, pour écarter l’exception de nullité soulevée par le prévenu, prise de la violation des articles R. 235-4 et suivants du code de la route, en ce que la fiche « F » retraçant les résultats de la recherche et du dosage des stupéfiants et, le cas échéant, de la recherche de médicaments psychoactifs, ne mentionnerait le prélèvement que d’un seul flacon, l’arrêt attaqué et le jugement qu’il confirme relèvent que la réquisition judiciaire mentionne la remise de quatre flacons destinés à l’analyse de l’alcoolémie et de la présence de stupéfiants et que le renseignement porté par le médecin sur l’analyse de l’un d’entre eux ne démontre pas l’absence d’un second flacon et l’impossibilité d’une expertise de contrôle, laquelle n’a, d’ailleurs, pas été demandée par l’intéressé ;

Attendu qu’en prononçant par des motifs, qui établissent que l’irrégularité alléguée de la procédure de vérification n’est pas fondée, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 235-11 du code de la route, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, 591 du code de procédure pénale ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article R. 235-11 du code de la route ;

Attendu que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’expertise de contrôle, formée par le prévenu en application de l’article R.235-11 du code de la route, l’arrêt attaqué retient qu’elle est tardive pour ne pas avoir été présentée au cours de la procédure de vérification ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, selon la disposition précitée, le conducteur, qui a fait l’objet d’un dépistage de produits stupéfiants se révélant positif, est en droit de demander à la juridiction de jugement une expertise ou examen technique de contrôle ou une recherche de médicaments psychoactifs, sans qu’un délai ne lui soit légalement imparti à peine de forclusion, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner le deuxième moyen de cassation ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 27 février 2014, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre de conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un janvier deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre (…) ».